Introduction

Le stress est une réaction de notre organisme qui nous demande de nous adapter face à une situation ou une agression de notre environnement. Il s’agit d’un phénomène normal mais il devient néfaste dès qu’il se prolonge dans le temps.
L’anxiété quant à elle, est un phénomène plus vague, un état subjectif de détresse, de tension, d’inquiétude considéré comme « normal » dans une situation stressante et qui provoque des émotions comme la peur, des sensations physiques comme des palpitations, de la sueur ou de la dyspnée (impression d’étouffer) ou encore des pensées négatives. L’anxiété « prédispose » aussi à créer soi-même un stress. En effet, il s’agit d’une expérience d’anticipation et d’amplification des problèmes. Lorsqu’elle devient permanente ou excessive, elle se transforme en un état pathologique, autrement dit, en un               « trouble(1) anxieux ».

Particularités des seniors

Chez les plus âgé·e·s, les troubles anxieux sont assez fréquents mais plus difficiles à détecter et donc souvent sous-traités. Ils se caractérisent, en général, par les mêmes signes et symptômes que chez les plus jeunes mais le diagnostic peut être difficile à poser car des plaintes somatiques (manque d’énergie, perte de l’appétit, etc.) sont souvent présentes et cachent la souffrance psychique. Les aîné·e·s peuvent parfois être moins porté·e·s à signaler leur détresse, ce qui ne fait qu’aggraver leur trouble. De temps à autre, la souffrance est tout simplement minimisée car certain·e·s la considèrent comme normale et liée au vieillissement.

Des symptômes dépressifs peuvent être également présents : on estime qu’environ un quart à un tiers des personnes âgées avec un trouble anxieux souffrent de dépression majeure(2) . Autrement dit, qu’ils·elles vivent des épisodes caractérisés par la présence d’au moins cinq symptômes liés à la dépression qui se manifestent presque tous les jours et pendant au moins deux semaines.
Il faut savoir qu’au moins un de ces cinq symptômes est soit une humeur dépressive (sentiment de tristesse ou de vide, pleurs), soit une perte d’intérêt ou de plaisir pour les activités et les loisirs. En effet, la dépression se manifeste parfois par cette perte d’intérêt ou de plaisir et pas toujours par une humeur dépressive.
Parmi les autres symptômes de dépression, on peut trouver une diminution ou une augmentation de l’appétit, insomnie ou sommeil excessif, fatigue (ou perte d’énergie), un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive et une diminution de la capacité à penser, se concentrer ou prendre des décisions.

Enfin, les troubles anxieux peuvent aussi être masqués par la coexistence d’une maladie neurodégénérative comme par exemple, la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson.

Voyons ces troubles plus en détail

Le trouble anxieux le plus habituel chez les seniors est l’anxiété généralisée. Moins souvent, ils·elles peuvent souffrir des phobies ou d’un trouble panique.

a. L’anxiété généralisée

L’anxiété généralisée(3) est définie par la présence d’une préoccupation excessive et difficile à contrôler. Cette inquiétude est ressentie presque tout le temps, depuis au moins six mois et elle s’associe à d’autres symptômes comme la fatigabilité, la difficulté de concentration, l’irritabilité, la tension musculaire ou encore des problèmes de sommeil. Comme pour les autres troubles (anxieux et dépressifs), cet état entraine une altération du fonctionnement ou une souffrance significative.

Les préoccupations exprimées sont souvent liées à la santé et au bien-être de leurs proches. La peur de devenir dépendant, de perdre la mémoire ou de mourir figurent aussi parmi les craintes les plus répandues.

Il convient évidemment de vérifier si les symptômes ne sont pas provoqués par une autre maladie comme une hypothyroïdie ou par l’effet de substances. Lors d’une consultation, par exemple, le·la médecin pourra déjà retrouver et traiter certaines causes mimant ou pouvant être à l’origine des symptômes, comme la présence d’une affection médicale générale ou la prise d’un médicament qu’il convient d’arrêter ou de remplacer.

b. Les phobies

Les phobies sont définies par la peur démesurée provoquée par des objets ou des situations précises. Cette aversion très vive déclenche des symptômes d’anxiété comme ceux que nous avons énumérés précédemment. Il y a des phobies spécifiques comme la claustrophobie (peur des espaces clos) ou la phobie de certains animaux. Mais il existe aussi des phobies sociales ou encore des agoraphobies (peur des lieux publics et surtout, de ne pas pouvoir fuir ou être secouru·e en temps). Avec l’âge, des phobies préexistantes peuvent s’exacerber du fait d’évènements de la vie (éloignement des enfants, déménagement, décès).

Quant à la phobie de chute, elle est plus fréquente à l’âge avancé, généralement suite à une vraie chute mais parfois, même sans événement relié. La personne évite toute situation qui pourrait accroitre le risque de chute, ce qui mène souvent un déclin des capacités physiques ainsi qu’à l’isolement social.

c. Le trouble panique

Ce trouble se caractérise par la présence d’attaques de panique récurrentes ou inattendues. Autrement dit, d’épisodes de peur intense qui surviennent brutalement et qui s’accompagnent de symptômes physiques comme de la transpiration, des palpitations, de la dyspnée, des nausées, des picotements, une sensation de vertige ou une impression d’évanouissement.

Entre les épisodes, il persiste parfois une crainte de récidive qui conduit à un changement de comportement visant à prévenir de nouvelles attaques (par exemple, on évite des situations non familières). Comme pour les autres troubles, les symptômes ne sont pas provoqués par une autre maladie ni par l’effet des substances.

Quelques données chiffrées

On estime que 10 à 15 % des personnes âgées présentent un trouble anxieux et que cette prévalence est plus élevée dans certains contextes (hospitalisation ou hébergement en institution). Toutefois, moins de 1 % de ces troubles débute après 65 ans. Généralement, ils apparaissent au début de l’âge adulte : environ 75 % des personnes âgées anxieuses auraient été atteintes de leur trouble avant l’âge de 21 ans.

Par ailleurs, ils se caractérisent par un taux de rechute élevé et une évolution chronique. Par conséquent, l’apparition tardive chez les seniors augmente le niveau de suspicion de maladie physique (par exemple, cardiovasculaire), dépressive ou neurodégénérative sous-jacente. Parfois, il n’est pas facile de départager les troubles : est-ce la présence d’anxiété chronique qui augmente les risques d’être atteint·e de ces maladies ou est-ce le fait d’avoir ces maladies qui augmente l’anxiété ressentie ?

Y a-t-il des facteurs de risque ou de prévention ?

Il existe de nombreux facteurs qui peuvent être à l’origine de l’anxiété comme le déclin physique (handicap visuel ou auditif, déficiences motrices) ou les maladies chroniques (affections neurodégénératives, cancer, douleurs chroniques). Outre les facteurs médicaux, il est important d’attirer l’attention sur les facteurs de risque psycho-sociaux et environnementaux tels que les situations de stress persistant, de précarité ou de maltraitance, les multiples deuils (la mort du ou de la conjoint·e, des ami·e·s, de l’animal de compagnie), la solitude, l’isolement, l’âgisme ambiant, la perte d’autonomie (qui peut résulter de la présence de pathologies somatiques), l’entrée en institution, etc.
Les aidant·e·s proches ne sont pas non plus épargné·e·s : être aidant·e principal·e d’une personne malade ou atteinte sur le plan cognitif est souvent une source d’anxiété.

En revanche, certains facteurs protecteurs ont été démontrés, tels que les liens affectifs et le soutien social, le maintien d’un niveau d’activité physique et cognitive et la capacité à s’adapter à de nouvelles situations.

Que faut-il faire face à une personne qui souffre d’anxiété ?

Toute maladie peut favoriser des symptômes d’anxiété, notamment si la personne ressent une crainte de dépendance, de souffrance ou d’isolement. Mais il faut savoir que le niveau d’anxiété sévère a souvent un impact sur le fonctionnement cognitif (capacité attentionnelle, mémoire, analyse de l’information). Il est donc essentiel de rester à l’écoute, d’aider la personne à maintenir des liens affectifs et à participer socialement. Il est également important de valoriser la capacité de la personne âgée à faire face aux événements de la vie, de la laisser exprimer son mal-être, de ne pas banaliser ses propos, de ne pas la juger.

Il est aussi important de l’encourager à demander de l’aide et si nécessaire, à consulter un·e professionnel·le (médecin, psychologue, etc.) ou un centre spécialisé. En effet, quand le niveau d’anxiété est excessif et inadapté, le traitement s’avère nécessaire. Il peut consister en une approche psychothérapeutique (généralement de type cognitive-comportementale) pour les formes modérés, ou en un traitement médicamenteux pour les formes plus sévères. Souvent, pour ces dernières, on préfèrera associer les deux approches : médicaments et psychothérapie. On garantit ainsi une plus grande efficacité du traitement et une meilleure prévention des rechutes.

Focus sur les médicaments

Les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) comme la sertraline, le citalopram ou l’escitalopram, sont les médicaments recommandés comme traitement de première intention pour les troubles anxieux. Ces produits sont également prescrits en cas de dépression majeure. Ils agissent sur le cerveau, notamment en augmentant le taux d’un neurotransmetteur appelé sérotonine. En effet, l’anxiété et la dépression semblent être liés à une baisse de ce messager chimique, la sérotonine.

Toutefois, un grand pourcentage de seniors ne se voit prescrire que des benzodiazépines. Comme nous l’avons expliqué dans des articles précédents, ces molécules peuvent provoquer des troubles de la concentration et de la mémoire, masquer une dépression ou encore être à l’origine de chutes. Ceci dit, les ISRS commencent à avoir de l’effet après au moins deux semaines. Il est donc parfois nécessaire d’utiliser des benzodiazépines au début du traitement mais il faut éviter de les conserver au-delà de deux ou trois semaines. On recommande dans ce cas-ci des benzodiazépines à demi-vie(4) courte comme l’alprazolam.

Quid des mesures non médicamenteuses

D’autres moyens thérapeutiques pour diminuer l’anxiété existent, comme la participation à des activités de loisirs, l’exercice physique adapté et les techniques de relaxation comme la méditation et la pleine conscience.

C’est dans ce domaine que le monde associatif a toute son importance :
Les associations veillent à favoriser le bien-être et l’épanouissement des seniors ainsi qu’à promouvoir leur intégration sociale. Le maintien des liens affectifs et sociaux est un facteur qui permet à la personne âgée de sortir de l’isolement.

Premièrement, le monde associatif contribue à maintenir ces liens à travers des actions de proximité (ateliers de gym pour seniors, de yoga, d’initiation à l’informatique, d’écriture créative, etc.) et grâce à la mise en place de groupes de soutien, de paroles ou d’entraide (les Alzheimer cafés, les groupes de soutien à la gestion du deuil ou ceux destinés aux aidant·e·s proches).

Deuxièmement, nous devons continuer à développer des lieux de participation sociale et citoyenne comme des ateliers de réflexion et d’échanges, par exemple par l’écriture où l’on partage ses propres créations, où l’on donne et reçoit des conseils et des idées. « Au-delà d’un certain âge, la nostalgie, les récits du passé ne sont plus ridicules et toute occasion de chaleur est bonne à prendre »(5) .

Il faut également continuer à stimuler les initiatives démocratiques et collectives ou encore différents types de volontariat qui permettront aux seniors de recréer des liens, de développer des relations intergénérationnelles et de mettre en valeur leurs compétences, notamment celles des seniors pensionné·e·s, parfois confronté·e·s à un sentiment d’inutilité lié à un manque d’activité sociale.

Et encore, lorsque une personne vieillit et qu’elle est amenée à dépendre des autres, elle conserve le droit de communiquer et de participer, entre autres, à des activités culturelles et à la vie sociale et politique.

En guise de conclusion

L’anxiété ne fait pas partie du processus normal de vieillissement. Les changements auxquels doit faire face une personne âgée peuvent néanmoins augmenter le risque d’anxiété. Il est donc important de repérer sa présence et d’encourager la personne à consulter un·e professionnel·le en cas de suspicion.

Dans les cas où un trouble anxieux se manifeste, une prise en charge appropriée est nécessaire, quel que soit son âge.

Dans le milieu associatif, nous pouvons et nous devons agir sur les facteurs de risque d’anxiété, particulièrement ceux de type « sociétaux ». Nous nous devons de rester à l’écoute et de dialoguer avec notre public afin de favoriser les échanges, de partager ses ressentis.

Si vous repérez qu’une personne de votre entourage en souffre ou si vous-même vous avez le sentiment d’être dépassé·e par un état de détresse, de tension, d’inquiétude, parlez-en autour de vous et cherchez du soutien spécialisé !

Liages/Mara Barreto/150621

SOURCES

 AMERICAN PSYCHIATRIC ASOCIATION. DSM-V : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (5e éd. ; traduit par J.-D. Guelfi et M.-A. Crocq). France : Masson, 2015.

 BELMIN J. et al. Gériatrie pour le praticien. Troubles anxieux. Elsevier Masson, 2019 ; 63 : 573-579.

 CHAPELLE F. et MONIE B. Bon stress, mauvais stress : mode d’emploi. O. Jacob, 2007.

 HANON O. et JEANDEL C. Prescriptions médicamenteuses adaptées aux personnes âgées. Etat anxieux. Le Guide P.A.P.A. Frison-Roche, 2017.

 LANDRY Y. et GIES J-P. Pharmacologie. Des cibles à la thérapeutique. 3e édition. Dunod, 2014.

1 Trouble : syndrome caractérisé par des perturbations significatives de la régulation des émotions, du comportement ou encore de la cognition.

2 American Psychiatric Association. DSM-V : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Troubles dépressifs. (5e éd. ; traduit par J.-D. Guelfi et M.-A. Crocq). France : Masson, 2015.

3 American Psychiatric Association. DSM-V : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Troubles anxieux. (5e éd. ; traduit par J.-D. Guelfi et M.-A. Crocq). France : Masson, 2015.

4 Demi-vie : temps que met un médicament pour perdre la moitié de son activité pharmacologique. Un médicament à demi-vie courte comme celui-ci va donc produire des effets pendant moins longtemps.

5 TUBIANA M. Le Bien-Vieillir : la révolution de l’âge. Editions de Fallois, Paris, 2003, p.266.

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