J’ai croisé une vieille femme qui marchait toute courbée, je ne l’ai pas aidée

Le billet de Béné – Février 2020 

Je travaille pour Liages depuis 2 ans. J’y ai eu l’occasion d’approfondir le thème de la vieillesse. J’y ai rencontré des personnes qui aiment leurs rides, d’autres qui ont une peur viscérale de vieillir. Certain·e·s se vexaient si personne ne se levait pour leur céder un siège dans le métro. D’autres si on leur proposait. Certain·e·s étaient racrapoté·e·s mais pleine d’énergie, d’autres marchaient d’un pas fier mais me confiaient leur souffrance physique ou psychologique profonde. J’ai lu des articles qui m’ont appris que trop aider, c’est creuser le trou de la perte d’autonomie. D’autres que le respect pour nos  aîné·e·s se perd. Qu’ils et elles sont seul·e·s, qu’ils et elles sont tristes. Qu’ils et elles vivent plus longtemps, mais aussi plus longtemps en bonne santé. 

Hier, j’allais acheter mon paquet de clopes, de celles qui me coûteront peut-être une « mauvaise » vieillesse. En revenant, j’ai croisé une femme très âgée, courbée, qui traînait son sac de courses. J’ai ralenti, plein de questions m’ont assaillies. « Est-ce que je peux lui proposer de l’aide ? », « Est-ce que je dois lui proposer de l’aide ? », « Est-ce que je peux le faire en français ? » (je me trouvais à Wemmel, dans une commune à facilités. Mon Néerlandais est relativement mauvais), « Est-ce qu’elle ne va pas penser que je veux m’enfuir avec son sac ? », « Est-ce que j’ai pitié ? », « Est-ce que j’aurais pitié même si je savais que c’était une ancienne kapo d’Auschwitz ? ». Je l’ai dépassée, j’ai eu l’idée de rester sur un porche, fumer une clope, afin de la regarder monter la rue et de voir si elle ne tombait pas, si elle allait loin. 

Elle m’a dépassée. Plus haut, une dame lui a proposé de l’aide. Elle a dit non. Elle est rentrée chez elle, quelques maisons après. Je ne sais pas si j’ai bien fait. Peut-être que j’aurais au moins dû dire bonjour. Mais je ne dis bonjour à personne, en ville. Il y a trop de monde. J’ai du mal avec les interactions. « Pourquoi lui dire à elle ? », « Parce qu’elle est courbée ? », « Est-ce que ça ne lui aurait pas demandé un effort supplémentaire si elle avait dû lever la tête pour me répondre ? » « Est-ce qu’elle est seule, chez elle, ou est-ce que quelqu’un l’attend et lui dit bonjour ? ». 

Je me suis posée beaucoup de questions. Je ne l’ai pas aidée. 

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