Les jeunes médecins généralistes prescrivent moins d’antibiotiques

Les jeunes médecins généralistes prescrivent jusqu’à 30 %  moins d’antibiotiques que leurs collègues plus âgés, après prise en compte du profil de leur patientèle. C’est un des résultats qui ressort de l’étude Solidaris et des mutualités socialistes sur la consommation d’antibiotiques. L’étude confirme que l’utilisation des antibiotiques en Belgique reste très élevée. Plus de 40 % des affiliés des mutualités socialistes ont reçu au moins une prescription pour l’année 2015-2016. Par ailleurs, un quart des affiliés interrogés pensent encore que les antibiotiques sont efficaces contre les virus. Un sur huit demande lui-même à son médecin de lui prescrire des antibiotiques et dans 85% des cas le médecin répond favorablement à cette demande. La mutualité socialiste formule cinq recommandations pour diminuer l’utilisation des antibiotiques.

 

Les Belges sont les troisièmes plus gros consommateurs d’antibiotiques des pays de l’ OCDE. Seuls les Grecs et les Français en consomment encore plus.  L’utilisation intensive d’antibiotiques est l’une des principales causes de l’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques, véritable défi de santé publique[1]. C’est la raison pour laquelle, Solidaris analyse régulièrement l’évolution de la consommation d’antibiotiques chez ses affiliés.

Dans cette nouvelle étude, nous actualisons notre analyse de 2016[2] sur la période 2008-2016. Nous approfondissons l’analyse de la consommation en fonction du profil des affiliés ainsi que des écarts entre pratiques de médecins généraliste. Cette étude quantitative est par ailleurs complétée par une enquête menée auprès de 3.403 affiliés[3] sur leurs comportements en matière de consommation d’antibiotiques.

Les principaux enseignements à retenir sont les suivants :

– On observe une très légère diminution de l’utilisation des antibiotiques entre 2008 et 2016. Pendant l’année 2015/2016, 43,6 % des affiliés se sont vus prescrire au moins une boîte d’antibiotiques. Pendant l’année 2008/2009, ils étaient 46,3%. Le nombre de doses journalières par 1.000 affiliés et par jour est quant à elle restée stable passant de 31,2 pour l’année 2008/2009 à 30,6 pour l’année 2015/2016

– Les objectifs de la Commission belge de coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) en matière de consommation d’antibiotiques sont loin d’être atteints. Ainsi, le nombre de prescriptions d’antibiotiques par 1000 patients s’élève pour l’année d’épidémie 2015/2016 est de 910, alors que l’objectif fixé par la BAPCOC est de 600 pour 2020 et 400 pour 2025.

– La consommation d’antibiotiques varie selon le profil des affiliés. Les affiliés plus âgés, avec statut de malade chronique, les femmes et les bénéficiaires de l’intervention majorée consomment plus d’antibiotiques.

– Les jeunes généralistes de moins de 30 ans prescrivent presque 30 pourcents moins d’antibiotiques que leurs collègues de 60 ans et plus, et cela après prise en compte du profil de leur patientèle[4]. Les femmes généralistes recourent aussi de manière plus prudente aux antibiotiques.

– Un tiers des répondants à l’enquête ont pris des antibiotiques l’année précédente. Des antibiotiques ont été pris pour des infections pour lesquelles ils sont indiqués comme, une infection des voies urinaires, une plaie infectée ou une pneumonie. Néanmoins d’autres indications pour lesquelles ils ne devraient pas systématiquement être prescrits comme les bronchites (26%) sont souvent mentionnées et les, maux de gorge, rhumes et grippes pour lesquelles ils sont toujours inutiles ont été renseignés par un petit nombre (16%) comme raison de prendre des antibiotiques.

– Un patient sur huit demande lui-même des antibiotiques à son médecin. Dans 85 pourcents des cas les médecins répondent favorablement à cette demande.

– Les affiliés sont généralement bien au courant des indications relatives aux antibiotiques bien qu’un quart d’entre eux pensent encore que les antibiotiques sont utiles contre les virus.

– Les campagnes des pouvoirs publics pour une meilleure utilisation des antibiotiques sont connues par 60 pourcents des personnes interrogées.

– Huit personnes interrogées sur 10 estiment qu’il faut prendre davantage de mesures pour diminuer la consommation d’antibiotiques. La plupart sont partisans d’attendre avant de débuter un traitement par antibiotiques et estiment que les médecins doivent refuser de prescrire des antibiotiques aux patients qui le demandent alors que cette prescription n’est pas indiquée. Environ la moitié des personnes interrogées sont favorables à une délivrance sur mesure des antibiotiques. Il y a moins de soutien pour un système de responsabilisation financière des médecins sur leur prescription d’antibiotiques (pénalisation ou bonification). Enfin, Il n’y a  absolument aucun soutien à l’augmentation du coût des antibiotiques pour les patients

Sur base de ces enseignements, Solidaris formule les recommandations suivantes :

1. Sensibiliser davantage les affiliés. Plus de sensibilisation des patients sur les antibiotiques est nécessaire, surtout auprès des moins instruits. Dans le cadre du Pacte d’avenir avec la Ministre des Affaires sociales, les Mutualités se sont fixés comme objectif de mener une campagne d’informations et de sensibilisation de leurs affiliés via leurs différents canaux de communication (Website, brochure spécifique, magazines,…°) dans le courant de l’année 2018.

2. Vacciner préventivement contre la grippe et les pneumocoques selon les recommandations du conseil supérieur de la santé. Ceci peut diminuer significativement la consommation d’antibiotiques. La grippe s’accompagne en effet parfois de complications pour lesquelles les antibiotiques peuvent être  nécessaires.

 3. Aller plus loin dans les objectifs fixés par la BAPCOC. Les taux de prescription observés auprès des jeunes médecins montrent que c’est possible. Nous proposons aussi de responsabiliser financièrement les médecins prescripteurs sur leur prescription d’antibiotiques. Nous proposons qu’une partie du budget de l’accréditation (soit 270 millions €) soit réservé pour rémunérer les médecins qui s’investissent dans un programme d’auto-évaluation de leurs pratiques et améliorent leurs prescriptions, notamment d’antibiotiques.

4. Mettre à disposition un conditionnement sur mesure selon la maladie du patient. Des plus petits emballages et/ou la vente de pilules individuelles doivent être encouragés à cette fin.

5. Soutenir le médecin généraliste. Le médecin doit pouvoir prendre le temps de réévaluer son patient avant de démarrer un traitement avec un antibiotique et résister à la demande de certains patients. Il doit pour cela informer le patient d’une manière compréhensible pour celui-ci. 

 

 

[1] En Belgique, chaque année de plus de 2.600 décès seraient attribuables à des infections par des bactéries résistantes aux antibiotiques, de même que 721.000 journées d’hospitalisation et plus de 380 millions de dépenses. Sources : BAPCOC. Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee. Note de politique pour la législature 2014-2019

[2] « Les campagnes d’information sur les antibiotiques : quel effet sur la prescription ? » Stat Info Solidaris – 9/12/2016

[3] Enquête menée online et via le S-magazine auprès de nos affiliés néérlandophones et qui a débouché sur 3.403 questionnaires exploitables.

[4] Âge, % des plus de 65 ans; % de femmes, % BIM ; % statut malade chronique

 

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