L’âgisme: un mot “jeune” pour décrire le rejet des “vieux”

Les vieux et les vieilles ne seraient que des poids économiques et sociaux, des corps qu’il faut bien « soigner » (et encore ! ). La vieillesse est décrite uniquement en termes de déclin, de symptômes : elle est une maladie. Les personnes âgées doivent à tout prix lutter contre les signes de l’âge, les rides, les cheveux blancs, sous peine d’être mises au banc de la société. Dans le cas contraire, elles sont sommées de se cacher, de laisser la place, voire se retrouvent parquées à l’abris des regards dans des maisons de repos qui n’ont de ‘maison’ que le nom. 

Cette façon de rejeter la vieillesse porte un nom : l’âgisme. 

 

 

Le terme âgisme (énoncé pour la première fois en 1969 par le gérontologue Robert Butler) est assez proche des termes « racisme » et « sexisme ». C’est un mot qui se termine par le suffixe « isme », qui désigne « une attitude par rapport à ». C’est donc l’attitude qu’on a par rapport à l’âge d’une personne. Tout comme le racisme désigne l’attitude qu’on a par rapport à la « race » et le sexisme par rapport au « sexe »  d’une personne. 

 

Âgisme : désigne une attitude ou un comportement de discrimination, de ségrégation, de mépris ou de dépréciation envers un individu ou un groupe d’individus en raison de son âge.

 

L’âgisme se manifeste sous différentes formes :

 

  • Préjugés et stéréotypes (largement acceptés et banalisés) : « les vieux ne savent pas conduire », « ils sentent mauvais », « ils ne comprennent plus rien à la société actuelle ». 
  • Discrimination et exclusion : au niveau de l’emploi ou de l’espace public, par exemple. Qui n’a jamais râlé sur une personne âgée lorsqu’elle ose prendre le bus aux heures de pointe ? 
  • Infantilisation : il arrive souvent que nous nous adressions aux personnes âgées comme si elles étaient toutes déficientes. Nous utilisons des phrases plus simples, nous leur parlons plus lentement. Ou encore, nous nous permettons de les tutoyer et d’utiliser des phrases comme « elle est mignonne cette petite vieille là ». 
  • Perception des personnes âgées comme des êtres asexués et négation de leur besoin d’intimité
  • Le dégout envers les personnes âgées, notamment au niveau de l’aspect visible de l’âge : les corps âgés doivent se cacher, les rides sont des marques de laideur, les cheveux blancs les font ressembler à des sorcières. 

L’âgisme est une construction sociale : 

L’avancée en âge et le vieillissement ne sont pas « mauvais » de façon inhérente. Les percevoir uniquement négativement, c’est un choix de regard bercé par notre époque et notre culture. Par exemple, au Japon, le vieillissement est plutôt valorisé et les « ancien.ne.s » sont des conseiller.ères précieux.ses. 

Qu’est-ce qui fait que nous trouvons beau, ce que nous trouvons beau ? Qu’est-ce qui fait que nous trouvons laid, ce que nous trouvons laid ? Notre éducation, notre culture, les standards de beauté érigés tout autour de nous. Pourquoi le vieillissement, cette évolution naturelle du corps, est-il à ce point rejeté (surtout chez les femmes) ? Les rides pourraient s’apprécier pour ce qu’elles montrent des vies, des rires et des expressions. Pourquoi choisir de les définir comme repoussantes, comme une maladie contre laquelle il faudrait lutter à coup de crèmes anti-âge ? 

Sur ce point, nous laissons Michelle Lee, l’éditrice du magazine américain « Allure », s’exprimer. En effet, elle a fait le choix, progressiste et audacieux, de bannir de son magazine les termes « anti-âge » : « Je veux éviter de renforcer le message selon lequel le vieillissement est une condition que nous devons combattre ». 

Conclusion : 

« L’allongement de la vie, on a pas pris le pli de la voir comme une addition, mais plutôt comme quelque chose à quoi il faut se soustraire à tout prix  » (Vincent Caradec)

L’âgisme est un choix de regard, une construction sociale discriminante, malveillante et pourtant banalisée et insidieuse. Mais comme toute construction sociale, il peut être déconstruit. Comment ? Par le renforcement des liens et des solidarités intergénérationnelles, les rencontres des différences, le culte de l’amour de soi en lieu et place du culte de la jeunesse. 

 

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