L’amiral Tchoumakov

L’amiral Tchoumakov, c’est Balyktchy, une ancienne ville industrielle soviétique située dans l’actuel Kirghizstan. Tchoumakov en a dirigé le port de pêche, adossé aux rives de l’Issyk Kul, un de lacs les plus profonds du monde. Du haut de ses quatre-vingt-quatre ans, l’amiral a vu son port se transformer. Aujourd’hui, il n’est plus que décombres d’engins métalliques immenses, de grèves et de jetées qui ont cessé d’être entretenues avec la fin de l’Union soviétique. Le port va être transformé en station balnéaire profitant des eaux chaudes du lac d’altitude entourées des montagnes du Tian Shan.

Le port en ruine, les pelleteuses en dégagent les immenses constructions en ciment et en acier. Et au centre de ce tumulte, l’amiral Tchoumakov, fier représentant de la marine soviétique, qui continue de faire sa tournée quotidienne des installations. Le port est en ruine, l’amiral est tiré aux quatre épingles.

L’amiral Tchoumakov n’est pas un fou, comme on en croise dans les romans de Dostoïevski, mais il entretient un rapport lucide et mélancolique à son passé. Témoin vieillissant d’une époque révolue, il porte l’Union soviétique dans son cœur. « A ce moment-là, nous mangions tous à notre faim et le port fonctionnait », rappelle-t-il. Tchoumakov n’est pas hors de son temps ; il chante « les yeux noirs » à une voisine, il parraine le championnat local d’art martiaux, qu’il pratique lui-même tous les matins pendant quarante-cinq minutes, une nuée d’enfants tourne constamment autour de l’amiral, fascinés tant par son uniforme que par sa connaissance des plantes et de la ville.

Le film nous parle du passé et du présent. Au centre du récit, un vieux monsieur, qui n’est ni sénile, ni grotesque par sa nostalgie. Il est respecté pour ce qu’il a été, un amiral efficace, mais aussi pour son présent, parce qu’il fait vivre cette image du port qui est sur le point d’être inscrit dans l’encyclopédie maritime élaborée à Moscou. Tchoumakov incarne cette position délicieusement décalée qu’offre la vieillesse, pivot entre le passé et l’avenir, parfois mélancolique, jamais amère, incarnation fière et digne de l’homme soviétique.

Références : L’Amiral Tchoumakov, documentaire réalisé par Laurier Fourniau et Arnaux Alberola, produit par Cinedoc Films et Kinomaï Films, 2021, 64 minutes.

Crédit de l’image : site du festival Millenium dans lequel il a concouru (https://www.festivalmillenium.org/fr/lamiral-tchoumakov-2/)

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