De la logique du deuil.

 Le billet de Béné – Août 2022

Dans ma vie, les décès auxquels j’ai dû faire face et qui m’ont profondément blessée ont été des morts dites « logiques »: celles de mes grands-parents, des morts « de vieillesse », s’inscrivant dans le cycle inaltérable de la vie.

Jusqu’à ce fameux dimanche. Ce dimanche, une « presque bientôt » amie est partie alors qu’elle n’était qu’à l’aube de ses 40 ans. Je n’ai pu la connaître que 2 ans, dont une année fut déjà limitée par la maladie et les lourds traitements. C’est un deuil compliqué, malgré (et finalement surtout à cause de) le peu de temps durant lequel nous avons pu nous connaître. Je pleure la fin des possibles, l’arrachement d’un attachement naissant qui aurait pu s’enraciner. Je sais qu’il est de coutume de dire cela des mort·e·s, par politesse, mais je le dis de cœur sincère ici : elle était, elle est, une belle personne.

Ce deuil, il m’est presqu’impossible, justement parce que je n’ai aucune logique à laquelle m’agripper. Pas de « elle a fait son temps », pas de « elle a bien vécu », pas de cycle complété. Juste un goût amer de « trop peu », « trop vite », « injustifiable » et « injustifié ».

Je me demande si « la mort de vieillesse » ne nous semble pas plus acceptable car elle est coutumière, et si les personnes âgées y vont de plus bon cœur que les plus jeunes. Ou serait-ce des discours que les vivant·e·s se répètent pour continuer à vivre le plus sereinement possible ? Par instinct de survie, presque ? Je me souviens pourtant des larmes de ma grand-mère avant le grand plongeon, et d’une des dernières phrases de mon grand-père : « quelle cruauté de mettre des enfants au monde en sachant qu’ils mourront un jour ». Je sais aussi que je donnerais n’importe quoi pour encore un peu de temps avec chacun d’eux : on n’en a finalement jamais assez.

Malgré tout, ce sont des deuils que j’ai pu faire, en m’accrochant à cette simple logique : on naît, on grandit, on vieillit, on meurt. Je ne peux pas l’appliquer ici. Il manque une pièce du puzzle, et c’est une douleur sans filet mental de sécurité. La vie est, par essence, injuste, je le sais bien. Mais comme la peine est compliquée lorsque nous n’arrivons pas à construire autour d’elle un récit pour la justifier.

« Ne regrettez pas de vieillir, c’est un privilège refusé à beaucoup » – Mark Twain.

À Céline.

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