Annette

« Plonger dans la chair d’une femme de 75 ans comme on entre dans une forêt. Déambuler dans ses souvenirs sensitifs et les méandres de sa mémoire. Ressentir la richesse et la complexité de son existence. Rencontrer Annette. »

« Au fond Annette, quel est le projet ? – Oser être moi et osez le dire. Oser me montrer. »

Dire Annette, pour moi, dans ces quelques lignes, c’est essuyer mes yeux humides pour me joindre à l’ovation du public quand les lumières de la salle se rallument. C’est serrer contre ma poitrine, le carnet d’archives fait de photos et de bouts de textes, distribué à la sortie. C’est raconter les fragments de la vie de cette « héroïne populaire, mine de rien », qui se sont joués sur la scène du théâtre Le Rideau, à Bruxelles.

Clémentine fait la connaissance d’Annette qui lui livre plus de 70 ans de vécu, au cours de nombreux entretiens. Et puis, Annette, ni comédienne, ni danseuse, simplement « terrienne » se tient là, devant nous, sur les planches. Elle (re)joue son éducation chez les bonnes sœurs, ses nattes coupées – « Mes cheveux sont aussi rebelles que moi, ils font ce qu’ils veulent », son premier travail de dactylo, sa première machine à laver, l’épluchage (sans fin) des pommes de terre, un rendez-vous galant – « vite, manger quelque chose, absolument manger, un œuf dur, oui, beurk, ça donne la bouche sèche », ‘tomber enceinte’ et exécrer cette expression autant qu’elle aura de mal à aimer ses progénitures – « Comment aimer et donner de l’amour quand on sait qu’on est le couteau qui va faire la douleur ? », ses avortements, les douleurs physique et  psychique, sa relation avec une femme, son militantisme, le cadeau qu’elle se fait à 50 ans – « Mon cadeau à moi c’était le temps ! (…) Je me suis mise en disponibilité totale. », la ménopause, le désir, l’arrêt (provisoire) du sexe, sa mort prochaine – « Annette, tu n’oublieras pas de mourir. »

Son récit n’est pas linéaire – « je flotte, je bouge mais je… ». Son identité est multiple – « (…) ça va toujours trop vite dans ma tête, maintenant je suis sur trois pistes différentes, mais je n’ai qu’une bouche. » Autour d’Annette, cinq interprètes, sur scène et dans le public, pour projeter son existence, fantasmer ses souvenirs, combler les trous. Des partenaires, des échos, des chœurs qui évoluent dans un décor minimaliste et haut en couleur. Les souvenirs sortent de la commode ancienne, tissent et dénouent des nœuds dans le rideau de fils installé en serpentin, se mêlent et s’emmêlent aux voix des enregistrements crachés par le baffle vintage.

Annette, c’est une nature débordante, c’est de l’humour, ce sont des choix de vie assumés ou refoulés par le cerveau d’une dame vieillissante, c’est n’être pas à un paradoxe près, c’est la complexité des sentiments, c’est le désir d’ailleurs et de liberté, ce sont des morceaux de soi partout… – « Et un jour, je me suis dit : mais Annette, tu es un crabe ! Parce que le crabe, il avance, il avance pas tout droit. Il avance, il avance comme ça (montre la diagonale)… […] tu es un crabe au milieu des « tous droits », c’est tout. »

Elodie

 

Annette

Un projet de la Compagnie Canicule. Conception et mise en scène : Clémentine Colpin. Interprétation : Annette Baussart, Pauline Desmarets, Ben Fury, Alex Landa Aguirreche, Olivia Smets.

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