Relation médecin-patient : que veulent les seniors ?

Nous avons réalisé en 2016 une enquête de terrain auprès de seniors afin de mieux comprendre la relation qu’ils entretiennent avec leurs médecins et avec leurs médicaments. Cette étude a mis en lumière la manière dont les personnes interviewées vivent ces rencontres ainsi que leurs conduites d’adaptation ou de résistance.

Nous avons ensuite lancé l’année passée une campagne d’information et de sensibilisation sur la (dé)prescription chez les seniors. Dans ce cadre-là, nous avons organisé des séances d’échanges entre seniors. Lors de ces rencontres, nous y avons abordé, entre autres, la manière dont les participants perçoivent la relation avec leur médecin.

Dans cette analyse, nous mettrons en évidence les facteurs qu’ils considèrent importants dans ladite relation ainsi que le parallélisme avec le résultat de notre étude.

Comment les seniors vivent-ils la relation avec leur médecin ? Le résumé de notre étude

Plus qu’un questionnement direct, passer par le vécu des interviewés dans des situations concrètes permet de mieux appréhender leurs représentations sociales. De ce fait, nous avons choisi pour notre étude en 2016 de mener des entretiens semi-directifs car ils permettent de mieux orienter le discours des interviewés autour du thème choisi, tout en leur donnant la possibilité de s’exprimer librement et de développer leurs propos. Le but a été de mettre en évidence des relations, des pratiques, des conflits, des représentations. Partant de questions prédéfinies et au regard des thèmes émergents lors de l’enquête, le contenu de chaque entretien individuel a été séparé en cinq sous-thèmes :

1. Le vécu de la relation avec le médecin généraliste
2. La prescription : avant, pendant, après
3. Le degré de confiance vis-à-vis du médecin
4. La place de tiers (pharmacien, internet…)
5. Le médecin idéal

Les seniors interviewés se sont accordés à dire que le médicament n’était pas la seule réponse qu’ils attendaient du médecin. Ils avaient souvent des idées concernant leur traitement, même si parfois, ils n’osaient pas les exprimer. Certains affirmaient avoir essayé d’en discuter mais ne pas s’être sentis suffisamment écoutés. Leur démarche ne se limitait donc pas à la demande de renouvellement d’un « abonnement » médicamenteux. En revanche, ils avaient l’impression que ce renouvellement provenait plutôt de leur généraliste.

A première vue, leur discours aurait pu renforcer l’idée qu’ils mettaient leur médecin sur un piédestal. Ces propos correspondaient surtout à leur représentation sociale de la profession médicale car nous portons tous en nous l’image d’un médecin « idéal ». Pourtant, leur discours prenait une tournure plus critique quand ils développaient ces idées au sujet de leur propre médecin.

La majorité considérait que leur généraliste n’avait pas, à certains moments, assumé complétement son rôle ou qu’il s’était trompé. De plus, certains seniors témoignaient d’un manque ou d’une perte de confiance vis-à-vis des médecins en général. Ils prônaient tous un mode relationnel (plus) symétrique, y compris en termes de prescription médicale.

L’analyse des entretiens a montré que l’acte de prescrire n’est pas un acte isolé mais qu’il s’inscrit toujours dans un contexte de relation médecin-patient. A travers les témoignages recueillis, nous avons pu décrypter 4 facteurs que les seniors considèrent importants dans la relation qu’ils entretiennent avec leur généraliste. Ils ont fait référence à ces facteurs soit au moment où ils racontaient leur vécu lors des entretiens, soit quand ils partageaient avec nous leur vision du « médecin idéal ».

Facteur 1 : Le généraliste doit pouvoir consacrer minimum une demi-heure à chaque patient

« Je ne veux pas le déranger parce qu’il y a des gens qui attendent…Je ne peux pas dire qu’il regarde l’heure mais je suppose que c’est un rythme qu’il a adopté et qui consiste à faire des RDV de plus ou moins un quart d’heure. » (Eloïse, 76 ans).

« Il a tendance à être un peu expéditif. Il ne prend pas vraiment son temps. Avec lui, grosso modo, en un quart d’heure, c’est fait. Je sens que je ne peux pas me laisser aller parce que le temps est compté…Lors de la consultation, il faut enlever la chemise. Je suis encore torse nu et il est déjà près de la porte ! » (André, 62 ans)

Facteur 3 : Le généraliste ne doit pas être ni trop jeune ni trop âgé

« J’ai vraiment envie de changer, vu son âge. Je le trouve vieux… Je me dis que ce n’est peutêtre pas prudent de continuer à y aller… Depuis qu’il a vieilli, quand je lui dis que j’ai mal quelque part, il me répond que lui aussi.» (Ange, 72 ans)

« Qu’il ne soit pas trop âgé : trente-cinq à quarante ans, même cinquante ans mais pas plus. Je trouve qu’il n’est pas encore trop loin de ses études mais qu’il a déjà une certaine expérience. » (Françoise, 67 ans)

Facteur 4 : Le généraliste doit pouvoir instaurer un véritable dialogue

« Si les RDV pouvaient durer plus longtemps, ce serait autre chose que de parler seulement de maladies. Ce serait plus social et je pourrais le connaître autrement. Et vice-versa…» (Eloïse, 76 ans).

« Le médecin idéal serait celui qui connaît toutes les histoires, les conflits, qui a le côté psy… Je ne peux pas comprendre que l’on expédie un patient en dix, quinze minutes… Les médecins actuellement n’ont pas beaucoup de temps, que ça doit leur rapporter aussi… Je ne pense pas non plus qu’ils aient une vie facile. » (Lucy, 77 ans).

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