Depuis les bancs publics jusqu’à Tinder, l’amour : un terrain commun à toutes les générations.

Le billet de Béné – Avril 2023

La semaine passée, j’ai assisté à la représentation de la pièce « Epris/in love » au BRASS (Forest, Bruxelles). Une pièce écrite par des résident·e·s de la maison de repos de Forest et par des étudiant·e·s de secondaires, et jouée par des seniors et des jeunes. Un vrai projet intergénérationnel autour d’un thème : l’amour.

Pendant une heure, j’ai pu voguer au travers des anecdotes amoureuses des un·e·s et des autres. Entre les bancs publics et Tinder, les écrans sont les seules choses qui séparent leurs histoires respectives. Passé ces différences dans la manière d’aborder l’autre, il est frappant et touchant d’entendre que l’amour se conjugue avec les mêmes verbes quel que soit l’âge de l’amoureux·se. Les émois, les déceptions, les passions et les sentiments semblent se fondre dans le temps : si la technologie de la drague évolue, le cœur reste fidèle à lui-même. Et surtout, il s’emploie à défier la sagesse que l’âge voudrait lui imposer. Fougueux, indomptable, il se heurte et s’emballe pareillement qu’on ait 15 ou 85 ans. De quoi faire une croix sur le fameux dicton « tu comprendras quand tu seras plus grand ». Les adolescent·e·s et les seniors se retrouvent face aux mêmes questionnements et décrivent l’amour avec les mêmes mots. Séduction, papillons, épreuves, chagrin d’amour et complicité forment un lexique commun à toutes les générations.

Mieux que ça, certains thèmes comme l’homosexualité ou le polyamour se décomplexent lorsqu’ils sont abordés en intergénération : parfois, celles et ceux qui n’ont pas pu vivre leurs sentiments au grand jour, ayant grandi dans une société qui y était réfractaire, trouvent un réconfort à voir les plus jeunes s’y épanouir un peu plus librement aujourd’hui.

Et si l’amour était une des pistes pour explorer l’intergénérationnel ? Défier les mauvaises langues qui voudraient qu’il s’efface passé un certain âge ? Et celles qui disent que les jeunes ne peuvent pas le comprendre ? A travers cette pièce, force est de constater que l’amour reste incompréhensible, mais tellement beau, à tous les âges. Les anecdotes s’échangent, les leçons, les conseils également, mais ne se tarissent jamais.

Une chose tout de même, me questionne : parmi les jeunes acteur·ices amateur·ices à s’être porté·e·s volontaires pour parler d’amour… pas besoin de point médian. Il n’y avait que des jeunes femmes. Une réalité qui fait écho à ma dernière lecture dans le magazine Panthère, sur l’éducation amoureuse des jeunes : « Comme l’ont souligné de nombreuses sociologues, l’amour se conjugue principalement, si ce n’est exclusivement, au féminin. C’est un sujet pensé, perçu et présenté comme étant le propre des femmes. Il serait fait par et pour elles, et ne trouverait pas autant d’écho chez les hommes qui seraient « plus pudiques », et « par nature », moins enclins à parler de ce qu’ils ont sur le cœur »[1]. Bref, les sentiments, une histoire de filles… ou plutôt de patriarcat et de sa division caricaturale qui voudrait que les femmes soient sentimentales et les hommes forts (« un homme ça ne pleure pas »).

Ainsi, l’amour comme sujet intergénérationnel : un grand oui. Mais il faudra encore un petit effort anti-sexiste pour que l’amour nous fasse tous et toutes communiquer comme il se doit.

 

[1] 20% : Les pères et l’éducation sentimentale des enfants, Panthère n°7, 2021.

 

 

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