Celle-dont-on-ne-peut-pas-prononcer-le-nom

Le billet de Béné – Juillet 2021

Récemment, je suis tombée sur cette citation de la psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek :

« Évoquer la vieillesse en l’appelant par son nom, évoquer la mort ne sont pas des sujets qui font vendre. Aujourd’hui, il faut des propos qui renforcent le déni collectif adopté par une société narcissique qui fait comme si la vieillesse n’existait pas, celle-ci évoquant une décrépitude et une mort qui font horreur »

Un paragraphe choc, qui met le doigt sur un malaise que je rencontre souvent lorsque je dois parler de vieillesse avec des -et je le dis sciemment ici- vieux et vieilles. Je passe presqu’autant de temps à préparer mes sujets qu’à tourner autour du pot. J’ai pris le parti d’utiliser des formules comme « avancée en âge » ou « processus de vieillissement ». En effet, j’ai senti très vite que balancer un mot aussi simple que « vieux » risquait parfois de fermer mon ou ma interlocteur·ice : je me heurtais toujours à un franc « AH NON ! Moi je ne suis pas vieux ». Et à partir de là, difficile d’obtenir des confidences sur la réalité du vieillissement auprès de celles et ceux… qui vieillissent.

Pire, le nom-même de notre ASBL « Espace SENIORS » en rebute plus d’un·e. Il n’y a pas longtemps, on me disait encore « J’ai hésité à venir vous rencontrer. Ça me fait bizarre, d’aller à une activité d’ ‘’Liages’’ ». Je n’ose pas imaginer si notre ASBL avait choisi de s’appeler « Espace Vieux ». A contrario, une autre rencontre me disait qu’elle aimerait créer un groupe sous le nom des « Vieilles Tartes ». Mais commençons d’abord par tremper un orteil avant de rincer les cheveux blancs.

Les images aussi doivent être choisies avec soin. Mon premier projet pour Liages était la réalisation d’une brochure sur l’accès au droit de vote. En couverture, j’avais choisi une photo d’une femme visiblement très âgée, le poing levé et tout sourire. Grossière erreur de débutante ! Dans plusieurs groupes que j’animais, on m’a rétorqué que du coup, le sujet ne les concernait pas, car, je cite « Je ne suis pas vieille comme elle ».

Mettre des pincettes ne me dérange pas, et je le fais volontiers. Mon but n’est pas de blesser, et encore moins de fermer le dialogue. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander si mon travail vers une vision nuancée et plus positive du vieillissement peut réellement aboutir tant que le mot lui-même sera perçu comme intrinsèquement insultant.

Ou plutôt, prenons les choses dans l’autre sens : nous n’aurons réellement dépassé l’âgisme ambiant que lorsque le mot « vieux » pourra être proclamé sans connotations négatives. Et même, rêvons-le : quand il pourra être proclamé avec fierté.

 

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